Criet/ Procès Boko-Homeky : Intégralité des réquisitions du procureur spécial
REQUISITOIRE DU MINISTERE PUBLIC
(Représenté par Elon’m Mario METONOU)
Cotonou, le 30 Janvier 2025
Mon Dieu, Faites que ce ne soit pas vrai !
Mon Dieu, faites que ce ne soit pas vrai !
C’est ainsi que j’ai réagi, lorsqu’au milieu de cette nuit du 23 au 24 septembre 2024, j’ai été tiré de mon sommeil par l’appel insistant du commandant de la brigade criminelle, le commissaire Émile ADJEKOSSI de vénéré mémoire ;
Monsieur le procureur dit-il, je viens de procéder à l’arrestation de l’ancien ministre des sports Oswald HOMEKY et du commandant de la garde républicaine ;
Pour quels motifs ai-je demandé à l’officier ?
Et à lui de répondre, Atteinte à la sureté de l’État ;
J’ai refusé d’y croire !
Oui j’ai refusé d’y croire !
J’ai refusé d’y croire jusqu’au moment où j’ai obtenu les premiers éléments de l’enquête ;
Depuis, je suis plongé dans un dilemme cornélien ;
Depuis je me sens une âme de Horace, plongé dans ce conflit entre les intérêts particuliers et le sentiment patriotique, entre l’amitié et le devoir ;
Je me sens une âme de Horace mais contrairement à Horace je ne dis pas « Albe vous a nommé je ne vous connais plus » ;
Je dis Albe vous a nommé, je vous connais toujours mais le devoir m’appelle
Madame la présidente ;
Messieurs de la cour ;
J’aurais voulu prononcer mon réquisitoire en présence d’avocats de La Défense ;
J’aurais voulu qu’il y ait aux côtés des accusés des avocats en position de critiquer devant votre juridiction les éléments de l’accusation ;
Mais je dois le confesser, j’aurais surtout préféré être ailleurs ce matin ;
J’aurais préféré que les événements qui nous occupent depuis plus d’une semaine maintenant ne se soient jamais produits ;
J’aurais préféré être en présence d’un canular, d’un mauvais rêve, d’un film sorti droit d’un scénario de série B ;
Mais hélas !
Aux premières heures du 24 septembre 2024, les béninois sont réveillés par une rumeur inquiétante : celui qui jusqu’il y a peu était considéré comme le fils du Président de la République, le préféré de ses ministres a été arrêté au cours de la nuit.
Autre rumeur encore plus surprenante, l’homme le plus proche du Président de la République, son ombre, celui-là qui sans fonctions officielles concentrait pourtant entre ses mains tous les pouvoirs d’État tel un président bis, a également été interpellé ;
Stupeur et désolation !
J’allais dire débandade !
Puis dans le courant de la journée ce qui n’était qu’une rumeur est devenue une information vérifiée : le ministre Oswald HOMEKY et Mr Olivier BOKO ont été interpellés pour complot contre la sûreté de l’État ;
Et le pays se mit à chuchoter :
• Comment est-ce possible ?
• L’histoire racontée par la poursuite n’est-elle pas cousue de gros fils blancs ?
• A-t-on idée de faire un coup d’état alors qu’on concentre entre ses mains tous les pouvoirs d’état ?
• Quel est ce coup d’état où il n’y a ni troupe ni plan d’attaque ni projet de gouvernement ?
• Peut-on sérieusement financer un coup d’état pour ensuite laisser le pouvoir entre les mains de militaires avec l’espoir insensé qu’ils le rendraient après une courte transition ?
• Ce coup d’état n’a-t-il pas été inventé de toutes pièces par le chef de l’État, Patrice TALON lui-même, pour mettre hors course son frère siamois ?
Et le pays chuchota !
Puis les chuchotements prirent place dans les réseaux sociaux !
Puis le débat se mua en un procès en sorcellerie contre la CRIET contre la justice contre le Président de la République ;
Toutes ces questions madame la présidente, messieurs de la Cour, toutes ces questions, ces doutes, ces critiques, elles sont légitimes ;
Alors le défi de ce procès, tout le défi de ce procès est d’apporter des réponses claires aux doutes, aux inquiétudes, à la quête légitime de vérité de nos compatriotes ;
Madame la présidente, messieurs de la Cour ;
Cette quête de vérité, je vous propose d’y satisfaire à travers la réponse à trois questions ;
1. Qu’est-ce qui s’est réellement passé ?
2. Le projet de renversement de l’ordre constitutionnel tel que décrit est-il réaliste et dans tous les cas est-il réalisable ?
3. Les infractions poursuivies sont-elles constituées en droit ?
Sans plus attendre commençons par la première question :
I. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Dans la nuit du 23 au 24 septembre 2024, Oswald Homéky et Olivier BOKO ont été interpellés alors que le premier venait de confier, pour le compte du second la somme de FCFA un milliard cinq cent millions (1 500 000 000) au commandant de la garde républicaine chargé de la sécurité du Chef de l’État ;
Cette somme était soigneusement rangée dans le coffre d’un véhicule de type 4X4 acheté deux (02) jours plus tôt auprès de l’entreprise CHALLENGE S.A pour la circonstance ;
Après l’acquisition du véhicule, Oswald HOMEKY l’a confié à son chauffeur SANOUSSI Ganiou avec pour mission de le conduire à Zongo où les plaques d’immatriculation originelles ont été enlevées. Oswald HOMEKY a alors fixé de nouvelles plaques mais fausses celles-ci sur le véhicule ;
La remise de la somme de FCFA un milliard cinq cent millions (1 500 000 000) au commandant de la garde républicaine en charge de la sécurité du Chef de l’État est l’aboutissement d’un long processus qui a débuté quelques mois plus tôt ;
Plusieurs rencontres ont eu lieu entre Oswald HOMEKY et le commandant de la garde républicaine au domicile du ministre. Jusque-là rien d’anormal. Les deux hommes se connaissent et se fréquentent de longue date ;
Cependant ces visites habituelles se sont transformées en tribune de critique de la personne du chef de l’état d’une part et en occasion de libéralités exceptionnelles au profit de celui qui assure sa garde d’autre part : cinq millions (5 000 000) de FCFA, un champagne d’une valeur approximative de deux mille (2000) euros, une police d’assurance vie dans un pays tiers pour un montant de cinquante-cinq millions (55 000 000) de FCFA ;
Puis une fois assuré d’avoir suffisamment « acheté » le commandant, Oswald HOMEKY partage avec lui son projet. Mettre fin aux fonctions du chef de l’État. Il ne s’agit pas d’attenter à sa vie mais profiter de la proximité physique qu’offrent les fonctions de commandant de la garde républicaine pour l’isoler dans son bureau au palais de la marina et l’obliger à signer sa démission ;
La somme de FCFA un milliard cinq cent millions (1 500 000 000) devait servir au financement du projet ;
La suite des investigations a permis d’établir qu’une partie de cette somme provient des retraits effectués par ADJIBEKOUN Hugues sur les comptes de la société Groupe Technique Plus (GTP) dont il est le comptable. Cette entreprise a comme gérant GBAGUIDI Ahotognon Déo-Gracias Corneille mais le bénéficiaire effectif de ses activités est le beau-frère de Olivier BOKO, le nommé Rock NIEIRI. Ce dernier a pris la fuite dès l’ouverture de l’enquête ;
Madame la présidente, messieurs de la Cour ;
Voilà ce qui nous rassemble, voilà ce qui s’est passé ;
Sur la base de ces faits la commission d’instruction puis la section de l’instruction en appel et enfin la cour suprême ont validé la mise en accusation :
• HOMEKY Oswald pour Complot contre la sûreté de l’état, corruption d’agent public national et faux et usage de fausse attestation ;
• BOKO Olivier et NIEIRI Rock pour Complot contre la sûreté de l’état et corruption d’agent public national ;
• ADJIGBEKOUN Hugues et GBAGUIDI Déo- Gracias pour complot contre la sûreté de l’état ;
• SANOUSSI Ganiou pour faux et usage de fausse attestation ;
Ce qui s’est passé une fois présenté, passons ensuite à la deuxième question :
II. Le projet de renversement de l’ordre constitutionnel tel que décrit est-il réaliste et dans tous les cas est-il réalisable ?
Cette question est au cœur de notre procédure. Les faits tels qu’ils apparaissent dans le dossier mettent en présence les accusés et le colonel Dieudonné TEVOEDJRE commandant de la garde républicaine. Aucun autre militaire gradé n’est impliqué, aucun officier aucun sous-officier pas un seul homme de rang. Le plan d’intervention n’a jamais été clairement défini par les parties.
Alors question légitime s’il en est, peut-on raisonnablement penser que le seul commandant de la garde républicaine est en mesure de renverser le pouvoir en place ?
Deux éléments de réponse madame la présidente, messieurs de la Cour :
Le premier élément, c’est la séparation étanche des rôles entre les personnes impliquées dans ce projet : l’un met en place le financement et évite tout contact avec celui qui doit rendre le projet effectif, l’autre s’assure de l’adhésion du commandant de la garde républicaine et lui transmet les moyens d’action sans rentrer dans les détails opérationnels et sans rencontrer les autres militaires impliqués pour éviter qu’on ne remonte à lui en cas d’échec ;
Le deuxième élément de réponse qui finit de tarir le débat sur le point de savoir si nous sommes en face d’une infraction impossible c’est l’histoire : l’histoire de notre pays et l’histoire très récente de notre continent ;
• L’histoire du Bénin a été marquée par une grosse instabilité politique ouverte par l’irruption du Colonel Christophe SOGLO sur la scène politique. Le 28 octobre 1963, ce chef d’état-major général de l’armée prendra le pouvoir au premier président élu du DAHOMEY, Hubert MAGA. Il va, pour ainsi dire, ouvrir la boîte de pandore. Les dix années qui suivront verront se succéder dix présidents à la tête du Bénin.
L’étude de cette triste période de notre histoire montre deux similitudes avec notre dossier actuel :
Première similitude : pour l’essentiel, les coups de force se sont déroulés sans effusion de sang, les présidents en exercice ayant été contraints à la démission.
Ainsi du président Sourou Migan Apithy qui est contraint à la démission fin novembre 1965 alors qu’il avait été élu en janvier 1964 pour un mandat de cinq (05) ans.
Ainsi de TAHIROU CONGACOU qui est aussi contraint à la démission en décembre 1965 après 21 jours au pouvoir.
Deuxième similitude, dans la plupart des cas les militaires béninois qui s’emparent du pouvoir l’ont cédé plus ou moins rapidement aux civils.
Sous ce registre trois (03) exemples :
• Après avoir arraché le pouvoir à Hubert MAGA en octobre 1963, le colonel Christophe SOGLO l’a rendu aux civils trois mois plus tard en janvier 1964 ;
• Le commandant Maurice KOUANDETE qui prend le pouvoir par la force au général Christophe SOGLO le 17 décembre 1967 confie les rênes du pouvoir quatre (04) jours plus tard au lieutenant-colonel Alphonse ALLEY ;
• En décembre 1969, le commandant Maurice KOUANDETE qui vient de déposer le président civil Émile Derlin ZINSOU ne s’installe pas à la tête du pays mais en confie les rennes au lieutenant-colonel Paul Emile de SOUZA. Cinq (05) mois plus tard soit en mai 1970 celui-ci rendra le pouvoir aux civils notamment à Hubert MAGA ;
Madame la présidente, messieurs de la Cour ;
Cette petite parenthèse d’histoire télégraphique nous montre qu’il est bien possible pour un militaire de prendre le pouvoir par les armes pour le céder plus ou moins rapidement à un civil élu. Elle nous enseigne également que les coups d’état sont souvent l’œuvre de militaires qui gravitent dans l’entourage des Chefs d’Etat.
Alors oui, le projet tel que présenté est bien réaliste : n’est pas fou ou insensé celui qui étant sûr de son influence sur un militaire lui donne les moyens financiers d’organiser un coup d’état avec l’espoir qu’il le mettra en scelle quelques temps après. C’est possible, c’est déjà arrivé dans l’histoire de notre pays, c’est arrivé à plusieurs reprises ;
Madame la présidente, Messieurs de la Cour ;
L’histoire récente de notre continent nous enseigne également que le projet de coup d’état tel qu’envisagé est non seulement réaliste mais qu’il s’est déjà produit.
Ici nous envisagerons deux exemples. D’une part le Gabon, d’autre part plus proche de nous géographiquement, le Niger ;
Les deux coups d’état ont eu lieu à environ un (01) mois d’intervalle.
Au Gabon, le 30 août 2023, le chef de la Garde Républicaine, c’est-à-dire l’équivalent du Colonel TEVOEDJRE Dieudonné renverse le président Ali BONGO qui vient d’être réélu. Ali BONGO est placé en résidence surveillé et le nouveau maître du pays exige sans l’obtenir sa démission. Pas un seul coup de feu n’a été tiré, le pouvoir des BONGO a été renversé avec une facilité déconcertante ;
Au Niger le coup d’état de 2023 intervient le 26 juillet. Le président Mohamed BANZOUM est séquestré dans le palais présidentiel par des militaires de la garde présidentielle tandis que l’armée encercle le bâtiment et menace de donner l’assaut pour délivrer BAZOUM. Le général Abdourahamane TCHIANI qui dirige la garde présidentielle prend la tête du pays. Depuis, il retient prisonnier au palais présidentiel son prédécesseur qui a refusé de signer sa lettre de démission ;
Madame, Monsieur de la cour, voici deux exemples récents de coup d’état menés sans effusion de sang et dans une espèce de facilité déconcertante par les commandants des gardes républicaines.
Alors si vous avez encore des doutes sur le caractère réaliste de la mission confiée au colonel TEVOEDJRE alors vous avez votre réponse.
Le projet tel que conçu est bien réaliste, il est réalisable, il a déjà été réalisé au Benin et plus récemment au Gabon et au Niger :
Les deux premières questions ayant été étudiées, je vous propose d’envisager notre dossier en droit.
Ce qui nous conduit à la troisième question :
III. Les infractions poursuivies sont-elles constituées en droit ?
Madame la présidente
Pour la clarté de mon propos vous me permettrez de me pencher d’abord sur les cas des accusés dont l’instruction à votre barre n’a pas permis d’établir la culpabilité au-delà de tout doute raisonnable avant d’envisager les éléments qui permettent de requérir la condamnation des autres accusés ;
Commençons par les accusés de la première catégorie.
Ici j’envisagerai les cas de trois (03) accusés :
• D’abord GBAGUIDI Ahotognon Déo-Gracias Corneille
Mis en accusation pour complot contre l’autorité de l’État, GBAGUIDI Ahotognon Déo-Gracias Corneille et a nié les faits à toutes les étapes de la procédure ;
L’instruction préparatoire de même que l’instruction à votre barre ont permis d’établir que GBAGUIDI Ahotognon Déo-Gracias Corneille est un employé au service de Rock NIEIRI qui a le titre de gérant de la société GTP ;
Vous relèverez cependant que l’information a permis d’établir que GBAGUIDI Ahotognon Déo-Gracias Corneille n’a de gérant que le nom, qu’il n’est que le gérant statutaire d’une entreprise dont la gestion effective est assurée par Rock NIEIRI ;
C’est un gérant de paille dont aucun élément du dossier ne permet de retenir qu’il a été mis au parfum d’un projet d’atteinte à la sûreté de l’État ;
• Ensuite le cas de SANOUSSI Ganiou
L’accusé est le conducteur de HOMEKY Oswald ;
Mis en accusation pour faux certificats, il nie les faits
L’instruction a établi que le samedi 21 septembre 2024, il a été instruit par son employeur aux fins de conduire le véhicule de type 4X4 de marque Toyota Prado immatriculé BR 0635 à Zongo pour y retirer les plaques minéralogiques ;
L’accusé n’a jamais nié avoir reçu cette instruction. Il reconnaît également s’être exécuté ;
Madame la présidente, à son sujet il ne vous aura pas échappé que le simple fait de retirer une plaque minéralogique d’un véhicule ne suffit pas à caractériser une infraction. Le faux et l’usage de faux tel qu’il est prévu par l’article 311 du code pénal est une infraction intentionnelle ;
Rien dans le dossier ne prouve qu’en toute connaissance de cause, SANOUSSI Ganiou a retiré les plaques minéralogiques pour les remplacer par de fausses plaques ;
Du reste, la fixation des fausses plaques n’est pas son œuvre ;
• Enfin le cas d’ADJIBEKOUN Crépin Hugues
ADJIBEKOUN Crépin Hugues a également été mis en accusation pour répondre de l’infraction de complot contre l’autorité de l’état ;
Son renvoi devant votre juridiction et surtout son maintien en détention depuis l’instruction préparatoire tiennent d’une part à son rôle de comptable et gestionnaire des finances de toutes les entreprises de ROCK NIEIRI et d’autre part à sa fuite dès l’ouverture de l’enquête. Il allait en effet se réfugier à Lomé lorsqu’il a été interpellé au péage de Grand – Popo ;
En tant que comptable de Rock NIEIRI, c’est entre ses mains que sont reversées toutes les sommes retirées des comptes des entreprises. C’est lui qui a encaissé les chèques de six cent millions (600 000 000) de FCFA des comptes de la société GTP SARL les jours qui ont précédé le 23 septembre ;
S’il est vrai que ces retraits ont atterri dans les valises retrouvées au domicile de HOMEKY Oswald, l’analyse du fonctionnement atypique des entreprises de Rock NIEIRI ne montre pas que le comptable ADJIBEKOUN Crépin Hugues connaissait la destination et l’usage des fonds ;
Personne dans la procédure ne l’a directement mis en cause comme étant un des acteurs du complot. Il est même plus logique de penser que pour une entreprise criminelle aussi délicate, la raison recommande que les personnes informées soient strictement limitées ;
Le complot contre l’autorité de l’état étant également une infraction intentionnelle, vous relèverez Madame et messieurs de la cour, qu’il n’est pas établi qu’en toute connaissance de cause, ADJIBEKOUN Crépin Hugues a participé à la commission de cette infraction ;
Continuons par les accusés de la seconde catégorie.
Ici, Madame la présidente, messieurs de la Cour, pour l’intelligibilité de mes propos vous me permettrez de structurer mon développement autour des deux infractions majeures que sont le complot contre l’autorité de l’état et la corruption d’agent public ;
• Le complot contre la sûreté de l’État
Madame et Messieurs de la Cour !
Je sollicite votre indulgence ;
Je vous demande de m’accorder deux minutes, deux minutes non pas pour m’adresser à vous mais pour fixer nos compatriotes ;
Mesdames et Messieurs ;
Nous avons bien dit complot contre la sûreté de l’état. Cette infraction est à distinguer de l’attentat contre la sûreté de l’état ;
C’est la confusion entre les deux infractions la première, celle que nous poursuivons et la deuxième, celle que le commun des béninois appelle prosaïquement coup d’état qui a alimenté et qui alimente encore toutes les polémiques et les questionnements, je l’avais dit, légitimes, de nos compatriotes ;
Alors avant d’entrer dans la démonstration juridique de la constitution de l’infraction de complot contre la sûreté de l’état, laissez-moi être clair avec ceux qui ne comprennent pas le langage juridique parfois ésotérique et qui sont, à juste titre, perdus par nos nuances compliquées ;
Notre dossier, ce n’est pas un dossier de coup d’état ;
Nous ne poursuivons pas l’infraction d’attentat contre la sûreté de l’État ;
Nous poursuivons l’infraction distincte de complot contre la sûreté de l’état ;
Je vous explique :
Dans le cheminement qui mène à la commission d’une infraction nous distinguons globalement trois étapes :
• La volonté ou l’envie de commettre l’infraction
• La planification ou la préparation de l’infraction
• L’exécution ou la consommation de l’infraction
En général le législateur ne punit pas la première étape et la deuxième étape. D’ailleurs si on devait poursuivre toutes nos mauvaises pensées on serait tous en prison. La punition commence à partir du commencement d’exécution des actes matériels de l’infraction lorsque l’agent pénal n’est contraint de mettre fin à son action que du fait d’éléments extérieurs à sa volonté. On parle d’absence de désistement volontaire ;
Cependant dans certains cas rares, lorsque le législateur considère que l’infraction, si elle était consommée aurait des conséquences très graves, il n’attend pas un commencement d’exécution et une absence de désistement volontaire pour réprimer. Il érige en infraction autonome des actes qui pris isolément ne seraient pas punissables ;
C’est le cas de l’infraction d’excès de vitesse qui tend à prévenir une infraction plus grave qu’est l’homicide ou les blessures involontaires qui pourraient résulter d’un accident de la circulation ;
C’est aussi le cas d’une pluralité d’actes préparatoires d’un attentat terroriste ;
On parle alors dans ces cas d’infractions obstacles : c’est l’exemple type de l’infraction de complot contre la sûreté de l’état ;
Le législateur n’attend pas que l’on rassemble des troupes, que l’on entame une marche guerrière contre les institutions de l’état pour constater la constitution de cette infraction ;
Il anticipe toute volonté de renverser l’ordre constitutionnel et en punit les auteurs dès lors qu’il existe le moindre acte, aussi minime soit-il qui concrétise ou trahit leur volonté d’attenter à l’autorité de l’État ;
Alors ceux qui disent qu’il n’y a pas coup d’état dans notre dossier, qu’aucun coup d’état ne se fait avec un seul militaire fût-il commandant de la garde républicaine ont raison ;
Ils ont raison parce qu’il n’y a justement pas coup d’état dans notre dossier ;
Mais ils ont tort !
Ils ont tort car ils se trompent de procès !
Ils ont tort car notre dossier n’est pas celui d’un attentat pour renverser l’ordre constitutionnel mais c’est celui d’un complot en vue de commettre cet attentat ;
Et c’est très différent !
Madame la Présidente, messieurs de la Cour ;
Cette digression ne vous était pas adressée mais elle me paraissait nécessaire ;
Venons-en maintenant à la démonstration en droit que j’annonçais au début de mes propos ;
Aux termes de l’article 194 alinéa 3 du code pénal, « Constitue un complot, la résolution arrêtée entre plusieurs personnes de commettre un attentat lorsque cette résolution est concrétisée par un ou plusieurs actes matériels » ;
Ainsi, pour que l’infraction de complot contre la sûreté de l’état soit constituée il faut trois éléments :
• Une résolution arrêtée entre plusieurs personnes
• Une concrétisation de cette résolution par un ou plusieurs actes matériels
• Un but qui est celui de commettre un attentat
L’article 193 du code pénal donne des indications précises sur la notion d’attentat ;
Cette disposition précise que pour être retenu l’attentat doit avoir pour but : « soit de détruire ou de changer le régime constitutionnel, soit d’inciter les citoyens ou habitants à s’armer contre l’autorité de l’État ou à s’armer les uns contre les autres, soit à porter atteinte à l’intégrité du territoire national » ;
Une lecture croisée des dispositions des articles 193 et 194 du code pénal permet de retenir que le complot contre la sûreté de l’État est la résolution arrêtée entre plusieurs personnes soit de détruire ou de changer le régime constitutionnel soit d’inciter les citoyens à s’armer contre l’autorité de l’État soit encore de porter atteinte à l’intégrité du territoire national ;
Comme je le précisais il y un instant, le code distingue l’attentat contre la sûreté de l’État du complot contre la sûreté de l’État ;
Alors que pour être constituée l’infraction d’attentat contre la sûreté de l’État doit se concrétiser dans un acte matériel d’exécution ou de commencement d’exécution, pour le complot contre la sûreté de l’État, la simple acceptation morale et l’expression de la volonté à poser des actes ayant vocation à porter atteinte à la sûreté de l’Etat suffit ;
En effet, l’infraction de complot contre la sûreté de l’État est une infraction-obstacle qui est l’incrimination d’une attitude ou d’un comportement dangereux sans conséquence dommageable immédiate et effective ;
Le législateur a entendu incriminer à titre principal un comportement dangereux susceptible de produire un résultat dommageable et ce, indépendamment de la réalisation ;
Il s’agit d’appréhender pénalement des actes préparatoires de l’attentat contre la sûreté de l’État qui ne peuvent être réprimés au titre de la tentative punissable ;
Madame la présidente, messieurs de la Cour ;
En dehors de l’élément légal de cette infraction il faut être attentif aux éléments matériel et intentionnel ;
Ici la particularité est que l’infraction est constituée chaque fois qu’il peut être établi la réalité d’un acte matériel qui trahit la résolution des inculpés de commettre le complot ;
Il n’est pas utile d’établir que cet acte matériel répond aux critères d’un commencement d’exécution de l’attentat contre la sureté de l’Etat pour être appréhendé pénalement au titre de la tentative punissable ;
Au total, pour être constituée, l’infraction de complot contre la sûreté de l’État doit s’apprécier :
• Dans son élément intentionnel : la résolution entre plusieurs personnes de commettre un attentat
• Dans son élément matériel : l’existence d’un ou plusieurs actes caractérisant cette résolution.
Je vous propose d’examiner la situation de chaque accusé au regard de ces critères :
• Cas de HOMEKY Oswald
Accusé de complot contre la sûreté de l’État, Oswald HOMEKY nie les faits ;
Il soutient n’avoir jamais confié au Commandant de la Garde Républicaine chargé de la sécurité du Chef de l’État la mission de mettre fin aux fonctions de ce dernier et partant de provoquer un changement du régime constitutionnel ;
Ces dénégations ne sauraient cependant emporter votre conviction ;
Non seulement Oswald HOMEKY était résolu à provoquer le changement du régime constitutionnel mais en plus cette résolution s’est matérialisée dans divers actes ;
Il n’y a aucune difficulté à réunir en ce qui le concerne l’élément moral et l’élément matériel de l’infraction de complot contre la sûreté de l’état ;
Pour ce qui est de l’élément intentionnel l’on peut non seulement situer la naissance de la résolution mais démontrer que cette résolution est demeurée intacte jusqu’à son interpellation dans la nuit du 23 septembre 2024.
Madame la Présidente, messieurs de la Cour !
La résolution de commettre un attentat contre la sûreté de l’état et de provoquer un changement brutal du régime constitutionnel est apparue chez les accusés entre le 15 mars 2024 et le 30 mai 2024 ;
Vous me demanderez pourquoi je l’affirme ;
En voici les raisons ;
Je vais vous donner un certain nombre de dates, je vous prie d’y prêter attention car elles sont importantes pour la compréhension du dossier ;
Oswald HOMEKY a démissionné de son poste de ministre en charge des sports le 06 octobre 2023 après avoir soutenu publiquement que pour lui Olivier BOKO a le meilleur profil pour remplacer le chef de l’état en 2026 ;
A la suite de cette démission, il s’est engagé dans les mouvements de soutien à la candidature de BOKO Olivier ;
Il a lui-même déclaré devant la commission d’instruction lors de son interrogatoire du 17 octobre 2024 assurer la coordination de « la Dynamique OB 26 » ;
Seulement voilà !
Le 15 mars 2024, est intervenue au Bénin la réforme du code électoral ;
Cette réforme en renforçant le système partisan a fait des grands partis politiques les seuls regroupements susceptibles de désigner des candidats aux élections présidentielles ;
Cette loi ferme la porte de la présidentielle aux candidats indépendants comme Olivier BOKO ;
C’est à partir de cette date que les accusés ont commencé à envisager d’autres moyens pour assurer l’élection d’Olivier BOKO aux présidentielles de 2026 ;
Cette résolution a été progressivement exprimée par Oswald HOMEKY au commandant de la garde républicaine ;
En effet, deux (02) mois après le vote du nouveau code électoral, soit le 30 mai 2024, KOMEKY Oswald va laisser transparaître pour la première fois cette résolution ;
A cette date, il a reçu à son domicile, le commandant de la garde républicaine, le colonel Dieudonné TEVOEDJRE ;
Selon ce dernier, « l’entretien a porté exclusivement sur la personne du chef de l’État. Cet entretien a consisté de sa part (Oswald HOMEKY) à dénigrer le Chef de l’Etat et à me révolter contre l’autorité » (Cf. PV D13) ;
Entre cette date du 30 mai 2024 et le 30 juillet 2024, Oswald HOMEKY a invité le commandant de la garde républicaine à son domicile au moins à trois (03) reprises ;
Les différentes conversations entre lui et son invité ont porté sur le même sujet ;
Ces conversations laissent apparaître qu’il avait continué à mûrir l’idée d’un attentat contre la sûreté de l’État ;
Selon le commandant de la garde républicaine c’est dans la nuit du 30 juillet 2024 que Oswald HOMEKY a évoqué pour la première fois le mot « coup d’État » ;
Oswald HOMEKY a justifié son idée par le fait que le chef de l’état « ne voulait pas partir et se préparait à briguer un troisième mandat et qu’il fallait l’en empêcher en le faisant partir par un coup d’état » (Cfp v D13) ;
Par la suite la rencontre du 27 août 2024 et les autres qui ont suivi entre Oswald HOMEKY et le colonel Dieudonné TEVOEDJRE ont bien montré que le premier demeurait résolu à provoquer par des voies illégales le changement du régime constitutionnel ;
Mesdames Messieurs, messieurs de la Cour !
Il sera difficile à l’accusé HOMEKY de réfuter l’existence de sa résolution à provoquer un changement non constitutionnel du régime en place ;
Bien plus que des suppositions, cette résolution s’est concrétisée à travers des actes matériels ;
Ces actes matériels, Madame la présidente, se sont succédés dans le temps ;
Ces actes matériels qui consacrent la consommation de l’infraction sont de deux (02) ordres :
D’une part, les actes de générosité inhabituelle à l’égard de celui qui a en charge la sécurité du Chef de l’Etat ;
D’autre part et les actes de fourniture de moyen pour commettre l’attentat ;
Voyons si vous le voulez bien ce qui dans le dossier apparaît comme des actes de générosité inhabituels.
° Les actes de générosité inhabituelle
Ces actes de générosité inhabituelles étaient destinés à préparer le commandant de la garde républicaine à l’acceptation de la mission qui allait lui être confiée ;
Mais avant tout il est utile de démontrer en quoi cette générosité est exceptionnelle ;
Qu’est ce qui rend exceptionnels ces actes de générosité ?
Deux éléments.
Le premier concerne le moment où ces dons ont été faits
Le deuxième concerne la nature et le montant des dons
Que dire de la période ?
HOMEKY Oswald et le commandant de la garde républicaine se connaissent depuis l’arrivée au pouvoir du président Patrice TALON en 2016 ;
Le premier a occupé le poste de ministre des sports au gouvernement pendant sept (07) années ;
A sa sortie du gouvernement l’accusé a vu ses revenus annuels qu’il évalue lui-même à soixante-dix millions (70 000 000) FCFA baisser ;
Il a reconnu devant la commission d’instruction être dans une phase de lancement de nouvelles activités génératrices de revenus ;
Or, et fort curieusement, c’est précisément alors qu’il avait moins de ressources, que HOMEKY Oswald s’est senti obligé de multiplier les gestes de générosité ;
Encore plus curieux, cette générosité excessive était exclusivement dirigée vers celui qui assure la sécurité du chef de l’État ;
Maintenant quid de la valeur des dons ?
Sur le montant des dons, pendant qu’il était ministre des sports, HOMEKY Oswald n’a jamais offert ni au colonel ni à son association une somme de FCFA cinq millions (5 000 000) ;
Bizarrement, et tout aussi brusquement, alors que ses revenus sont en baisse, sans aucune demande de la part du commandant de la garde républicaine, Oswald HOMEKY a multiplié les gestes de générosité à son égard à compter du 30 juin 2024.
Ainsi le 30 juin 2024, il lui a fait don de la somme de FCFA cinq millions (5 000 000) ;
A aucun moment lors de l’instruction HOMEKY Oswald n’a contesté la réalité de ce don qu’il a d’ailleurs confirmé ;
En remettant cette somme au colonel il a affirmé « quelqu’un m’a fait un cadeau et j’ai pensé à toi. J’ai voulu faire 50/50 avec toi » ;
Le colonel Dieudonné TEVOEDJRE était le premier surpris par cet accès brusque de générosité, lui qui a affirmé « j’étais assez surpris parce que pendant qu’il était en activité, il ne m’a jamais offert aucun franc. » (cf pv D17) ;
Ce n’était pourtant que le début car une semaine plus tard, soit le 07 juillet 2024 le niveau de générosité de celui qui était pourtant en phase de lancement de ses entreprises va atteindre un nouveau sommet ;
Il a invité le commandant de la garde républicaine pour proposer de lui ouvrir un compte dans les livres de la NSIA BANK Cote d’Ivoire ;
Il lui explique alors que « c’est un compte secret qui est non traçable par les instances de l’UEMOA et ce compte en Côte d’Ivoire est ouvert à toutes les personnalités qui ont occupé de hautes fonctions dans les arcanes du pouvoir et suffisamment fourni pour leur permettre de maintenir leur train de vie après le pouvoir. » (Cf. pv D17) ;
Pour concrétiser cette promesse Oswald HOMEKY a transmis au commandant de la garde républicaine, dès le lendemain 08 juillet 2024 une fiche à remplir ;
Une fois la fiche remplie, le 06 août 2024, Oswald HOMEKY a transmis via l’application WhatsApp, en vue unique, j’insiste là-dessus, je dis bien en vue unique, la preuve de la souscription d’une assurance vie dénommée NSIA PRESTIGE au profit du colonel Dieudonné TEVOEDJRE auprès de NSIA Vie assurance Cote d’Ivoire avec un solde de CFA cent cinq millions (105 000 000) ;
Sur cette assurance et la pseudo polémique qu’a suscité sa révélation, il convient de dire un petit mot ;
Sur demande d’entraide pénale du parquet spécial, les autorités judiciaires compétentes de la République de Côte d’Ivoire ont retrouvé l’agent de la compagnie d’assurance ayant procédé aux formalités nécessaires à la mise en place de l’assurance ;
Cet agent nommé AVENIE N’tah Jacques a expliqué que les sommes investies dans ce produit au profit du colonel Dieudonné TEVOEDJRE par Oswald HOMEKY s’élevaient à cinquante-cinq millions (55 000 0000) FCFA ;
Il a soutenu qu’à la date du 06 août 2024, le solde du compte n’était que de cinq millions (5 000 000) de FCFA ;
Qu’à la demande de Oswald HOMEKY il a fait une simulation avec l’identité du colonel Dieudonné TEVOEDJRE mais avec un numéro de police d’assurance différent et un solde fictif de FCFA cent cinq millions (105 000 000) ;
Il a conclu que cette simulation faite sur son ordinateur n’a pas été validée dans le système cependant que la photographie de l’écran a été envoyée à Oswald HOMEKY à sa demande ;
Madame la présidente, messieurs de la Cour ;
Le but de la manœuvre est de montrer au commandant de la garde républicaine qu’il lui a été fait un don de cent cinq millions (105 000 000) FCFA sous la forme d’une police d’assurance vie sécurisée dans un pays tiers même si dans la réalité seulement cinquante-cinq millions (55 000 000) ont été investis ;
Mais cinquante-cinq millions (55 000 000), vous en conviendrez c’est déjà une somme colossale ;
Cette générosité extrême de la part d’un homme, qui vient de perdre son poste de ministre ;
Cette générosité exclusivement dirigée vers le chef de la sécurité présidentielle n’est pas neutre ;
Pour se défendre de ce don, Oswald HOMEKY a soutenu devant les magistrats instructeurs qu’il s’agit d’un prêt ;
Vous relèverez que cette thèse ne saurait prospérer ;
Vous relèverez que cette thèse est inopérante pour au moins deux raisons ;
D’une part l’on ne prête qu’à celui qui est en mesure de rembourser ;
Or Oswald HOMEKY connaît bien le niveau de rémunération du commandant de la garde républicaine et sait que celui-ci n’a nullement les moyens de rembourser un prêt aussi important ;
Il a lui-même affirmé devant la Commission d’Instruction n’avoir auparavant, jamais consenti un prêt à son ami le colonel Dieudonné TEVOEDJRE ;
D’autre part, s’il ne s’agissait que d’un prêt, le commandant de la garde républicaine ne connaissant pas l’existence de ce produit d’assurance et n’ayant rien sollicité, il n’y avait aucune urgence à mettre en place cette assurance vie à son profit ;
A la vérité, la précipitation avec laquelle l’opération a été effectuée montre bien qu’il s’agit d’un cadeau offert dans un but précis ;
Notez vous-même :
HOMEKY Oswald a parlé de l’existence de ce produit au colonel le 07 juillet 2024 ;
Déjà le lendemain 08 juillet 2024, il demandait et obtenait les informations utiles à la mise en place de l’assurance ;
Le 02 août 2024, l’assurance était souscrite avec un montant initial de FCFA cinq millions ;
Le 06 août Oswald HOMEKY se sentait obligé de montrer à son ami qu’il avait tenu promesse en lui envoyant, en vue unique, une preuve falsifiée de la souscription d’une assurance vie à son profit pour un montant total de cent cinq millions (105 000 000) de FCFA ; (cf. PV d’audition de AVENIE N’tah Jacques) ;
Le 09 août la somme de cinquante millions (50 000 000) FCFA était remise à AVENIE N’tah Jacques par Oswald HOMEKY pour être déposée sur le compte ;
Ce dépôt a été effectif le lendemain 10 août 2024 ;
Madame et Messieurs de la Cour ;
Il n’y a pas l’ombre d’un doute que cet enchaînement de générosité n’avait qu’un seul but : briser la loyauté du chef de la sécurité présidentielle ;
Pour être complet sur le registre des dons exceptionnels il faut ajouter la bouteille de champagne blanc de blanc Salon Mesnil d’une valeur d’environ deux mille (2000) euros qui selon le commandant de la garde républicaine était destinée à célébrer la réussite de l’attentat à la sûreté de l’État ;
Les actes matériels résultant de gestes de générosité inhabituels exposés, il convient de se pencher sur les actes matériels du complot contre la sûreté de l’état tels qu’ils se concrétisent dans la fourniture de moyens
° Les actes matériels résultant de la fourniture de moyens
D’emblée, je vous fais observer que la résolution de commettre l’attentat contre la sûreté de l’État ne s’est pas matérialisée que dans des gestes de générosité inhabituelle ;
Cette résolution a pris corps également dans la fourniture des moyens destinés à réaliser l’attentat ;
Sous ce chapitre, il faut s’intéresser d’une part à la découverte de la somme de FCFA un milliard cinq cent millions (1 500 000 000) au domicile de Oswald HOMEKY et d’autre part aux conditions de remise de cette somme au commandant de la garde républicaine ;
Sur la découverte de la somme de FCFA un milliard cinq cent millions (1 500 000 000), il est aisé d’arriver à bout des dénégations de HOMEKY Oswald qui soutient que cette somme était destinée à financer des activités politiques normales ;
Mon analyse ici empruntera deux canaux.
Avant d’examiner la destination de cette somme d’argent il faut s’intéresser à son origine ;
• Sur l’origine de l’argent
S’agissant de l’origine de l’argent, les variations proposées par Oswald HOMEKY le long de la procédure établissent sa volonté de masquer la vérité ;
En effet, le 24 septembre 2024, peu de temps après son interpellation, HOMEKY Oswald a soutenu que la somme de FCFA un milliard cinq cent millions (1 500 000 000) retrouvée en sa possession provient de ses « économies et petits investissements » ;
Le 1er octobre 2024, devant le juge des libertés et de la détention il a maintenu la même version ;
Curieusement, le 17 octobre 2024, il a changé de version devant la Commission d’Instruction et affirmé que cet argent lui a été « transmis par un ami du nom de Rock NIEIRI ».
Mais comme vous avez pu le noter, il a été formellement établi qu’une partie de cette somme d’un montant de FCFA deux cent cinquante millions (250 000 000) lui a été portée le 23 septembre 2024 à 22h 04 par un émissaire de la société PORTEO venu du Togo ;
Cette somme a été retirée le même jour sur les comptes Ecobank Togo de l’entreprise PORTEO ;
Cet émissaire avait un véhicule de marque LAND ROVER DEFENDER immatriculé au Togo ;
Qu’il faut pour s’en convaincre jeter un coup d’œil sur le registre des agents de sécurité chargés de la garde de son domicile cette nuit du 23 septembre ;
En dépit de cette constance, Oswald HOMEKY continue de soutenir que l’intégralité du montant découvert à son domicile lui a été porté le 23 septembre 2024 vers 18 heures par un émissaire de Rock NIEIRI ;
Les mêmes variations ont été notées sur la destination des fonds.
• La destination de l’argent
Sur l’usage auquel l’argent était destiné, Oswald HOMEKY a également proposé des réponses variant dans le temps et à mesure de la progression des investigations ;
Ainsi le 24 septembre 2024, lors de son interrogatoire, il a déclaré aux officiers de police judicaire que la somme d’argent retrouvée en sa possession était destinée à financer les activités de ses entreprises de distribution de boissons et produits alimentaires au Cameroun, au Congo Brazzaville, au Niger, au Burkina Faso et au Mali ;
Le 17 octobre 2024, il a changé de version sur la destination des fonds en soutenant que « cet argent a été principalement mobilisé dans le cadre des activités politiques de la ‘’Dynamique OB’’ » ;
Outre ces variations sur l’origine et la destination des fonds, HOMEKY Oswald a été en peine de proposer une explication cohérente sur la remise de cette somme d’argent en pleine nuit au chef de la sécurité présidentielle ;
Il a soutenu avoir invité le colonel pour sécuriser cette somme qui devait servir au financement des activités de 803 unités politiques réparties sur le territoire national ;
Seul problème, j’allais dire seuls gros trous dans l’argumentation, il ne lui a pas été possible de dire avec précision le montant à investir dans chaque unité politique ;
Il a été incapable de donner l’identité des responsables des unités politiques.
Il n’a pu pas indiquer leur localisation encore moins à quel découpage territorial correspondent ces unités politiques ;
Enfin, il a été en peine d’expliquer le canal de transmission de cette somme aux unités politiques ;
La vérité !
La vérité, Madame la Présidente
Madame et messieurs de la Cour,
C’est que l’idée de ces fameuses unités politiques est apparue plus tard comme justification lorsque l’accusé a réalisé qu’une petite enquête de patrimoine sur sa personne suffit à établir qu’il ne pouvait disposer à titre personnel d’une telle somme ;
Vous noterez qu’à l’opposé de cette justification fabriquée de toute pièces, il faut se référer aux déclarations constantes du colonel TEVOEDJRE Dieudonné pour comprendre la destination réelle des fonds ;
A toutes les étapes de la procédure, sans aucune variation, le chef de la sécurité présidentielle a soutenu qu’Oswald HOMEKY s’est engagé à mettre à sa disposition pour la réalisation du coup « la somme d’un milliard cinq cent millions (1 500 000 000) de francs CFA pour son financement. Cette somme devait servir à couvrir trois (03) volets à savoir :
• Intéresser les acteurs avec lesquels je devais organiser le coup ;
• Intéresser les chefs de corps de l’armée de terre et de la garde nationale pour éviter qu’ils fassent obstacles à l’opération le jour J ;
• Assurer mes arrières et celles de ma famille au cas où le coup échouerait ; »
Vous retiendrez que les propos du colonel TEVOEDJRE Dieudonné sont corroborés par les conditions de remise des fonds ;
Alors que l’argent devait être remis au colonel TEVOEDJRE Dieudonné le dimanche 22 septembre 2024, Oswald HOMEKY l’a contacté ce même jour pour l’informer qu’il « était à 95% de mobilisation et qu’il reportait la remise desdits fonds au lendemain soit le 23 septembre 2024 » ;
Le 23 septembre 2024 à 22 heures 32 minutes soit un quart d’heure après le départ de son domicile de l’émissaire venu de Lomé avec la somme de FCFA deux cent cinquante millions (250 000 000), Oswald HOMEKY a appelé le commandant de la garde républicaine pour lui dire que les fonds étaient prêts ;
Outre cette coïncidence entre le moment de la réception des deux cent cinquante millions (250 000 000) FCFA et l’appel émis vers le colonel, Oswald HOMEKY a affiché une attitude qui indique que cette remise de fonds était destinée à tout sauf au financement d’une activité politique normale ;
Là encore, trois postures, trois attitudes, trois choix incriminants :
1er comportement suspect :
Contrairement à ses habitudes il a indiqué aux agents assurant la sécurité de son domicile qu’il attendait des visites dans la nuit du 23 septembre 2024 et qu’il allait se charger de les accueillir lui-même ;
L’agent de sécurité présent cette nuit le nommé AGBOHOUNZO Vignako Basile a confié que c’est la première fois que HOMEKY Oswald leur donnait une telle instruction « Certes, il lui est arrivé qu’il nous dise qu’il attend des invités et de préparer la salle d’accueil et de ne pas déranger les visiteurs. Mais c’est la première fois qu’il est allé jusqu’à nous demander de quitter complètement la guérite. » (Cf. PV D15) ;
2e comportement suspect :
Ce même soir, contrairement à ses habitudes, c’est Oswald HOMEKY lui-même qui a ouvert et fermé le portail à l’arrivée et au départ de ses invités du soir ;
Le même agent de sécurité témoigne « A 22 heures 04 mn, un véhicule 4X4 de marque RANGE ROVER, de couleur noire, à immatriculation togolaise a fait son entrée dans la maison après que monsieur HOMEKY Oswald lui-même a ouvert le portail…. Le véhicule est ressorti à 22 heures 12 minutes et c’est monsieur HOMEKY Oswald lui-même qui a fermé le portail. » (Cf. PV D15) ;
3e comportement suspect :
La même nuit, Oswald HOMEKY a interdit à ses agents de sécurité de renseigner leurs registres sur les mouvements de ses visiteurs ;
Écoutons encore une fois le témoignage de l’agent de sécurité :« avant de quitter, j’ai voulu prendre le registre de garde mais monsieur HOMEKY Oswald, avec insistance nous l’a interdit. » (Cf. PV D15) ;
Madame la présidente, messieurs de la Cour ;
Les comportements inhabituels de HOMEKY Oswald cette nuit sont en fait des précautions prises pour éloigner tout témoin des actes répréhensibles qui étaient en cours de préparation ;
Ces précautions vont au-delà de la mise à l’écart des témoins dérangeants que pourraient constituer les agents de sécurité ;
L’accusé a également pris des précautions pour couper tout lien entre l’argent remis au colonel et lui en cas de d’échec de l’attentat planifié ;
C’est ici qu’intervient la question du véhicule.
Les six valises contenant la somme de CFA un milliard cinq cent millions (1 500 000 000) étaient soigneusement rangées dans un véhicule de type 4X4 PRADO ;
Oswald HOMEKY reconnait avoir acheté ce véhicule deux jours plus tôt soit le samedi 21 septembre 2024 auprès de la société CHALLENGE SA ;
Il confirme les propos de son chauffeur SANOUSSI Ganiou selon lesquelles il l’a envoyé à ZONGO le même samedi 21 septembre aux fins d’enlever les plaques d’immatriculation du véhicule ; (Cf. PV D23) ;
Il avoue également avoir remplacé les vraies plaques d’immatriculation beiges du véhicule BR 0635 RB par des fausses plaques bleues W 079 RB 289 ;
Il précise avoir commandé ces fausses plaques « auprès d’un graphiste, JOJO Service » ;
Il est clair que si le véhicule avait été acquis pour être offert à un proche comme l’accusé tente de le faire accroire, il n’aurait eu nul besoin d’y apposer de fausses plaques d’immatriculation ;
Il n’aurait pas eu davantage besoin de violer les procédures légales de ré immatriculation d’un véhicule ;
Ce changement de plaques est d’autant plus suspect que l’accusé n’avait pas encore payé le prix d’achat du véhicule ;
En réalité, les fausses plaques n’ont été collées sur le véhicule que pour couper tout lien entre lui et l’objet du délit ;
J’ai été long sur cette infraction !
J’ai été long mais c’était nécessaire !
Pour me résumer :
Au total, HOMEKY Oswald a pris courant mars – avril 2024, la résolution de commettre un attentat contre la sûreté de l’État ;
Cette résolution est restée constante jusqu’à son interpellation dans la nuit du 23 au 24 septembre 2024 ;
Cette résolution s’est concrétisée à travers deux séries d’actes matériels destinés pour la première à déterminer le commandant de la garde républicaine chargé de la sécurité du chef de l’État à adhérer au projet et pour la seconde à lui fournir les moyens destinés à l’exécution du projet ;
Envisageons à présent le cas de BOKO Olivier ;
• Cas de Olivier BOKO
BOKO Olivier rejette également toute accusation de complot contre la sûreté de l’État.
Sauf que trois éléments de la procédure permettent d’établir qu’il s’est non seulement résolu à commettre un attentat contre la sûreté de l’état mais que cette résolution s’est concrétisée à travers différents actes matériels ;
Madame la présidente,
Madame et Messieurs de la cour,
En ce qui concerne l’implication de BOKO Olivier dans ce dossier vous devez vous poser trois questions :
1ere question : Qui a intérêt ?
2e question : Qui a les moyens de financer ?
3e question : Qui a financé ?
La réponse à ces trois questions vous mènera dans ce dossier inéluctablement vers BOKO Olivier.
D’abord la 1ere question : Qui a intérêt ?
Il n’est pas contesté que c’est Olivier BOKO qui est le bénéficiaire de toutes les activités politiques menées par Oswald HOMEKY depuis son départ du gouvernement le 06 octobre 2023 ;
Oswald HOMEKY a lui-même expliqué que son départ du gouvernement a fait suite à son affirmation publique selon laquelle Olivier BOKO est le mieux placé pour remplacer le président de la république en 2026 ;
HOMEKY Oswald lui-même se proclame coordonnateur de la dynamique OB 26 dont l’objectif est de travailler à l’accession au pouvoir de BOKO Olivier ;
Même s’il s’en défend, non seulement Olivier BOKO est informé des activités et des initiatives prises par Oswald HOMEKY pour assurer sa prise de pouvoir mais il les a soutenues ;
A la question de savoir s’il avait discuté avec Olivier BOKO de toutes les démarches menées pour son élection en 2026, Oswald HOMEKY a répondu « oui nous en avons déjà parlé, monsieur BOKO et moi. Je précise que c’est suite à une de mes déclarations en sa faveur qu’est intervenue ma démission après que le chef de l’État m’a sérieusement réprimandé. Nous en parlons de temps en temps » (Cf. PV D 23)
Même s’il a tenté le long de l’instruction de s’écarter des activités de HOMEKY Oswald, Olivier BOKO n’a jamais soutenu que ce dernier menait des actions politiques pour un homme politique autre que lui ;
Bien plus, le plan de l’attentat tel qu’il ressort des échanges entre Oswald HOMEKY et le commandant de la garde républicaine devait aboutir à la prise de pouvoir d’Olivier BOKO en 2026 ;
Il devait consister à contraindre à la démission l’actuel président de la république, mettre à plat le code électoral et organiser des élections dans des conditions qui assurent l’accession de BOKO Olivier à la magistrature suprême ;
Donc à la question de savoir qui a intérêt, la réponse est sans ambiguïté.
Passons à la deuxième question
2e question : Qui a les moyens de financer
Il ne fait aucun mystère que c’est Olivier BOKO qui a financé la générosité aussi brusque que suspecte de HOMEKY Oswald à l’égard du commandant de la garde républicaine ;
Des aveux même de HOMEKY Oswald, ses revenus annuels qui étaient d’environ 70 millions FCFA sont en baisse depuis sa sortie du gouvernement ;
Quand on gagne soixante-dix millions (70 000 000) par an, on ne peut faire cadeau de soixante millions (60 000 000) à un ami qui n’a rien demandé en moins de trois mois.
HOMEKY Oswald n’avait pas les moyens de cette générosité à l’égard du colonel ;
Or le 30 juin 2024, pour la première fois en huit (08) années d’amitié, HOMEKY Oswald a offert cinq millions (5 000 000) de FCFA au colonel commandant de la garde républicaine ;
Mieux, il lui a mis en place une police d’assurance vie à hauteur de cinquante-cinq millions (55 000 000) de FCFA ;
Il coule de source que HOMEKY Oswald n’a pas les moyens de faire un tel don à un ami ;
Il ne peut même pas se permettre, au regard des revenus qu’il a déclaré à la Commission d’instruction, de consentir un prêt à cette hauteur à un fonctionnaire de l’état dont il sait qu’il n’a pas les moyens de le rembourser ;
Lorsque la proposition de la mise en place de cette assurance vie a été faite au commandant de la garde républicaine ce dernier a déclaré ne pas en avoir les moyens ;
Face à cette réserve, HOMEKY Oswald a répondu « Ne t’en fais pas le grand frère va s’en charger » ; (Cf. PV D13)
Le colonel précise que c’est Olivier BOKO que Oswald HOMEKY désignait par grand frère ;
Sur un autre registre, Oswald HOMEKY a confié à AVENIE N’tah Jacques que les fonds destinés à la mise en place de l’assurance vie devaient provenir pour cinquante millions (50 000 000) de FCFA d’un ami ;
Il y a toutes les raisons de penser que cet ami généreux c’est Olivier BOKO ;
Quand HOMEKY Oswald déclarait des revenus annuels de soixante-dix millions (70 000 000) de FCFA, Olivier BOKO a déclaré à la commission d’instruction que ses revenus annuels moyens sont de l’ordre de quatre milliards (4 000 000 000) de FCFA pour des charges variant entre un milliard et un milliard cinq cent millions (4 500 000 000) ;
Au regard de ce niveau de revenus, Olivier BOKO dispose des moyens pour mobiliser la somme de FCFA 1 500 000 000 destinée à financer l’attentat ;
Alors si vous avez encore des doutes sur qui a les moyens de financer, vous répondrez que ce n’est certainement pas HOMEKY Oswald ;
Envisageons à présent la dernière question
3e question : Qui a financé ?
Olivier BOKO dispose non seulement des moyens pour financer l’attentat contre la sûreté de l’État mais il a été établi qu’une partie au moins des sommes saisies au domicile de HOMEKY Oswald provient directement de lui ;
L’enquête et l’instruction ont permis d’établir qu’il en a assuré la mobilisation ;
Pour s’en convaincre, je vous rends attentif à deux éléments à charge ;
Suivez avec moi le parcours de l’argent ;
D’une part, l’instruction a permis d’établir que les 06, 10 et 20 septembre 2024, la somme totale de six cent millions FCFA a été retirée des comptes de la société GTP SARL ;
Ces retraits ont été notamment opérés sur les comptes de la société ouverts dans les livres de la BIIC ;
Interrogé sur la destination de ces sommes, ADJIBEKOUN Hugues, a soutenu que « tout l’argent d’un montant de six cent millions (600 000 000) de franc CFA a été remis à monsieur Ricalo pour le compte de son patron, monsieur Olivier BOKO » (Cf PV D21) ;
Or, les sommes découvertes au domicile de Oswald HOMEKY proviennent en partie de la BIIC comme l’atteste, en sa dernière page, le procès-verbal de décompte établi par le Commissaire principal de police Émile ADJEKOSSI, le mardi 24 septembre 2024 à dix-sept heures trente-huit minutes,
D’autre part, BOKO Olivier reconnaît lui-même avoir demandé et obtenu de la société PORTE’O qui loue un de ses immeubles à Cotonou le paiement en liquide de la somme de FCFA 250 000 000 ;
Cette somme a été retirée de ECOBANK BANK TOGO le 23 septembre 2024 ;
Contrairement aux affirmations de BOKO Olivier, cette somme a été directement remise à Oswald HOMEKY à son domicile à Cotonou la nuit du 23 septembre 2024 à 22 heures 04 mn par l’émissaire de la société venu de Lomé ;
Après l’interpellation de HOMEKY Oswald, la somme de 250 000 000 FCFA a été retrouvée dans le véhicule à son domicile ;
Les étiquettes de cette somme sont celles utilisées non pas par Ecobank Bénin mais par Ecobank Togo ;
Le procès-verbal de décompte de l’unité d’enquête indique en sa première page que le montant de FCFA deux cent cinquante millions (250 000 000) a été réparti en deux sacs à dos ;
Dans le premier sac de couleur marron foncé il a été entreposé quinze (15) lots de billets de dix mille d’une valeur de dix millions (10 000 000) de FCFA chacun scellé avec une étiquette de Ecobank ;
Dans le deuxième sac à dos de couleur noire, se trouve dix lots de billets de dix mille d’une valeur de dix millions chacun, scellé avec une étiquette Ecobank (cf. PV d’investigation en date du 24/09/2024) ;
Les deux cent cinquante millions (250 000 000) de FCFA appartenant à BOKO Olivier ont été saisis au domicile de HOMEKY Oswald alors que ce dernier venait de confier cette somme au commandant de la garde républicaine ;
Pour me résumer là encore,
Madame la présidente.
Au total, Olivier BOKO est d’abord le bénéficiaire effectif et unique des actions politiques engagées par Oswald HOMEKY de même qu’il est le bénéficiaire direct de l’attentat projeté ;
Il est ensuite de tous les inculpés le seul qui dispose des moyens financiers pour mobiliser la colossale somme de FCFA un milliard cinq cent millions (1 500 000 000) ;
Il est enfin celui qui a assuré la mobilisation effective des sommes saisies au domicile de HOMEKY Oswald. Vous avez pu suivre le voyage des deux cent cinquante millions (250 000 000) de FCFA payés par un de ses locataires depuis Ecobank Lomé jusqu’au domicile de HOMEKY Oswald ;
Passons à présent en revue le cas de Roch NIEIRI ;
• Cas de Roch NIEIRI
Dès le début des investigations il a pris la fuite ;
Cependant le mandat d’arrêt, l’arrêt de mise en accusation ainsi que la convocation à la présente audience lui ont été régulièrement notifiée à sa dernière adresse connue.
Roch NIEIRI a été cité abondamment le long de l’information par Oswald HOMEKY et Olivier BOKO ;
HOMEKY Oswald le désigne comme étant celui qui lui a confié la somme de FCFA un milliard cinq cent millions (1 500 000 000) ;
Olivier BOKO quant à lui désigne Roch NIEIRI comme étant celui à qui il a demandé de remettre la somme de FCFA deux cent cinquante millions (250 000 000) payée en liquide par la société PORTE’O ;
Au-delà des déclarations des deux accusés qui le placent directement au cœur de la mobilisation des ressources destinées à financer l’attentat, il existe au moins trois éléments qui placent Roch NIEIRI au centre du complot ;
D’une première part Roch NIERI, beau-frère de BOKO Olivier qu’il soutient politiquement n’a affiché jusque-là aucune ambition politique personnelle ;
Toutes les actions politiques de Roch NIEIRI ont pour bénéficiaire Olivier BOKO ;
D’une deuxième part, Roch NIEIRI est le véritable responsable de la société GTP ;
C’est lui qui a ordonné à ADJIGBEKOUN Hugues de retirer la somme de FCFA Six cent millions ;
A ce sujet ADJIGBEKOUN Hugues déclare « j’ai reçu ces chèques de mon patron Rock NIEIRI et portant les noms des personnes qui devaient effectuer les retraits » (Cf. PV D 21)
Cette somme s’est par la suite retrouvée avec HOMEKY Oswald ;
D’une dernière part, dès l’ouverture de l’enquête, Roch NIEIRI a pris la fuite et ne s’est présenté ni devant les officiers de police judicaire ni devant la commission d’instruction ;
Cette fuite en elle-même trahit sa connaissance de ce qui était en préparation et pour lequel il a contribué à la mobilisation des fonds ;
Madame la présidente,
Madame et Messieurs de la Cour ;
Quid de la corruption d’agent public ?
Cette infraction est-elle constituée en l’espèce ?
• Sur la corruption d’agent public
Aux termes de l’article 336 du code pénal la corruption d’agent public est imputable à « quiconque a offert ou accordé à un agent public, directement ou indirectement, des promesses, des dons ou présents ou autres avantages indus, pour lui-même ou pour une autre personne ou entité, afin qu’il accomplisse ou s’abstienne d’accomplir un acte de ses fonctions ou de son emploi, juste ou non, mais non sujet à rémunération »
La corruption peut être passive ou active ;
La corruption active se manifeste lorsqu’une personne, physique ou morale, offre, promet ou donne, directement ou indirectement, un avantage quelconque à un agent public ou à une personne exerçant une fonction ou un mandat électif public, dans le but d’influencer son action ou sa décision ;
La corruption est une infraction intentionnelle ;
L’élément moral suppose la volonté et la conscience, chez le corrupteur, de participer au manquement du corrompu à son devoir de probité en monnayant l’office de ce dernier ;
La cible de l’auteur de la corruption doit être un agent public ;
L’élément matériel est une proposition au pacte de corruption qui se concrétise dans l’offre d’une sollicitation en vue d’obtenir des promesses, des dons, des présents, des avantages quelconques en échange de l’accomplissement d’un acte relevant de la fonction ou étant facilité par la fonction ;
La notion d’agent public peut s’appréhender suivant deux critères cumulatifs : un critère organique et un critère matériel qui se dédouble en deux possibilités alternatives ;
Le critère organique fait de l’agent public une personne qui est nécessairement employée par une personne publique ;
Le critère matériel fait de l’agent public une personne qui accomplit une mission de service public ;
Dans l’espèce qui nous réunit, le colonel Dieudonné TEVOEDJRE, Commandant de la garde républicaine est un officier supérieur des forces armées béninoises ;
En tant que tel, il est non seulement employé par l’état béninois mais il accomplit également une mission de service public qui ici est la protection du Président de la République, de sa famille ainsi que la protection des différents chefs d’institutions ;
En conséquence la première condition relative à la qualité de la personne est ici remplie ;
Il faut ensuite envisager la réunion des autres éléments constitutifs de l’infraction en ce qui concerne chaque accusé ;
• Cas de HOMEKY Oswald
HOMEKY Oswald ne conteste pas avoir offert la somme de FCFA cinq millions (5 000 000) au commandant de la garde républicaine le 30 juin 2024 ;
Comme nous l’avons largement établi, supra il s’agit d’un acte de générosité exceptionnelle de la part de l’ancien ministre des sports ;
Le 07 juillet 2024, il a offert au commandant de la garde républicaine de lui souscrire à l’étranger une assurance vie ;
Cette promesse s’est concrétisée les 02 et 10 août 2024 par la souscription de l’assurance vie pour un montant initial de cinq millions (5 000 000) de FCFA et le dépôt d’une somme de cinquante millions FCFA sur la police d’assurance du commandant ;
Le 23 septembre 2024, HOMEKY Oswald a été interpellé alors qu’il venait de confier au colonel un véhicule de type 4X4 dont le coffre était garni de six valises contenant au total un milliard cin cent millions (1 500 000 000) FCFA ;
Ces dons n’avaient qu’un seul but : obtenir du chef de la sécurité présidentielle le manquement à ses devoirs et profiter de sa position pour mettre fin au régime constitutionnel ;
C’est en toute connaissance de cause que HOMEKY Oswald a offert ces différents numéraires au chef de la sécurité présidentielle ;
Il s’est largement ouvert à ce dernier sur la nature du manquement à son devoir qu’il attendait de lui ;
• Cas de BOKO Olivier
Même s’il n’y a eu aucune interaction directe entre Olivier BOKO et le commandant de la garde républicaine, il est apparu au cours de l’information que non seulement Olivier BOKO est le bénéficiaire direct de l’attentat projeté mais en plus qu’il l’a financé ;
Les divers dons de HOMEKY Oswald au chef de la sécurité présidentielle proviennent de BOKO Olivier ;
Il a été établi plus haut que c’est le seul parmi les inculpés ayant la capacité de mobiliser de telles sommes ;
Le texte de l’article 336 du code pénal vise les offres directes mais également les offres indirectes ;
Il n’est pas utile que l’agent pénal remette lui-même directement les biens destinés à la corruption ;
En l’espèce, le simple fait d’avoir confié les ressources à HOMEKY Oswald pour convaincre le chef de la sécurité présidentielle à user de la facilité d’accès au chef de l’état que lui offre son poste pour écarter ce dernier du pouvoir est suffisant pour cristalliser à l’égard de BOKO Olivier la constitution de l’infraction de corruption d’agent public ;
• Cas de Roch NIEIRI
Roch NIEIRI a participé activement via les comptes de la société GTP SARL à la mobilisation des fonds remis au colonel Dieudonné TEVOEDJRE par HOMEKY Oswald dans le but de l’inciter à commettre l’attentat contre la sûreté de l’état objet de la présente procédure ;
En assurant la mobilisation de ces fonds, NIEIRI Roch avait parfaitement conscience de leur destination ;
Il a ainsi, indirectement, fait des dons en vue d’inciter le chef de la sécurité présidentielle à manquer à ses obligations ;
il n’en faut pas davantage pour les mettre en accusation du chef de corruption d’agent public ;
Voyons la dernière infraction
° le faux et l’usage de faux
Le siège de cette infraction est situé à l’article 311 du code pénal qui punit « Quiconque a contrefait, falsifié ou altéré les permis, certificats, livrets, cartes, bulletins, récépissés, passeports, laissez-passer ou autres documents délivrés par les administrations publiques en vue de constater un droit, une identité ou une qualité, ou d’accorder une autorisation »
Ici la constitution de cette infraction à l’égard de HOMEKY Oswald ne suscite aucun débat, lui qui a avoué avoir posé de fausses plaques d’immatriculation sur le véhicule saisi à son domicile, véhicule qu’il a acquis deux jours auparavant et dont il n’a pas fini de payer le prix d’achat.
Madame la présidente ;
L’article 194 du code pénal dispose : « Le complot ayant pour but les crimes mentionnés à l’article 193, s’il a été suivi d’un acte commis ou commencé pour en préparer l’exécution, est puni de la détention criminelle à temps de dix (10) ans à vingt (20) ans.
Si le complot n’a pas été suivi d’un acte commis ou commencé pour en préparer l’exécution, la peine est celle de la détention criminelle à temps de cinq (05) ans à dix (10) ans. »
L’article 336 du code pénal dispose quant à lui : « Est puni de la réclusion criminelle à temps de cinq (05) ans à dix (10) ans et d’une amende égale au triple de la valeur des promesses faites ou des choses offertes ou accordées, sans que ladite amende puisse être inférieure à deux cent mille (200.000) francs CFA, quiconque a offert ou accordé à un agent public, directement ou indirectement, des promesses, des dons ou présents ou autres avantages indus, pour lui-même ou pour une autre personne ou entité, afin qu’il accomplisse ou s’abstienne d’accomplir un acte de ses fonctions ou de son emploi, juste ou non, mais non sujet à rémunération »
Madame la présidente, Messieurs de la Cour,
L’enquête de moralité des accusés ainsi que les bulletins n°1 de leurs casiers judiciaires figurent au dossier et sont sans particularité.
De même l’examen médico-psychologique et psychiatrique montre que tous les accusés disposent de leurs facultés mentales et sont par voie de conséquence accessibles à la sanction pénale ;
C’est au bénéfice de toutes ses observations que je requiers qu’il plaise à la cour :
Statuant publiquement par défaut à l’égard de NIEIRI Roch et contradictoirement à l’égard des autres accusés,
• Prononcer l’acquittement des accusés SANOUSSI Ganiou, ADJIGBEKOU Hugues, GBAGUIDI Corneille ;
• Déclarer les accusés BOKO Olivier, HOMEKY Oswald et NIEIRI Roch coupables de complot contre la sûreté de l’État et corruption d’agent public national ;
• Déclarer HOMEKY Oswald coupable de faux et usage de faux ;
• Condamner Roch NIEIRI à vingt (20) ans de réclusion criminelle et à quatre milliards cinq cent millions (4 500 000 000) de FCFA d’amende ferme et aux frais ;
• Condamner BOKO Olivier et HOMEKY Oswald à Dix (10) ans de réclusion criminelle et à quatre milliards cinq cent millions (4 500 000 000) de d’amende ferme chacun et aux frais ;
• Prononcer la confiscation au profit de l’état de la somme de FCFA un milliard cinq cent millions (1 500 000 000) saisie au domicile de HOMEKY Oswald ;
• Prononcer la confiscation de véhicule de marque Toyota PRADO immatriculé BR 0635 au profit de l’état
• Recevoir l’agent judiciaire du trésor représentant l’état béninois en sa constitution de partie civile ;
• Faire droit à sa demande d’indemnisation