Perspectives économiques régionales du FMI : Afrique subsaharienne – La Grande pénurie de financement
- L’Afrique subsaharienne (AfSS) fait face à une grande pénurie de financement liée au tarissement de l’aide au développement et à l’accès de plus en plus restreint aux financements privés ; dans ce contexte, la croissance économique de la région devrait descendre à 3,6 %. Il s’agit de la deuxième année consécutive de baisse globale de la croissance en AfSS.
- Faute de mesures appropriées, ce manque de financement risque de contraindre les pays à réduire les ressources budgétaires consacrées à des domaines essentiels de développement tels que la santé, l’éducation et les infrastructures, ce qui empêcherait la région de tirer pleinement parti de ses possibilités.
- Le FMI joue son rôle pour remédier à cette situation. Entre 2020 et 2022, le FMI a fourni à la région des financements à hauteur de plus de 50 milliards de dollars, soit plus du double du montant décaissé sur une période de 10 ans depuis les années 90. Le nombre de pays avec lesquels le FMI a conclu des accords de prêt était de 21 en mars 2023, et d’autres demandes sont à l’étude.
- L’Afrique subsaharienne est loin d’être sans recours. Quatre mesures peuvent aider à surmonter les difficultés actuelles : i) renforcer la gestion des finances publiques et rééquilibrer les budgets, ii) juguler l’inflation, iii) permettre aux taux de change de s’ajuster, tout en atténuant les effets négatifs sur l’économie, et iv) veiller à ce que la lutte essentielle contre le changement climatique ne soit pas menée au détriment du financement de besoins fondamentaux tels que la santé et l’éducation.
Dans un contexte de ralentissement économique mondial,la croissance en Afrique subsaharienne (AfSS) devrait descendre à 3,6 % avant de rebondir à 4,2 % en 2024, parallèlement au redressement de l’activité au niveau mondial, à la baisse de l’inflation et à l’assouplissement progressif de la politique monétaire, selon les dernières Perspectives économiques régionales du FMI pour l’Afrique subsaharienne, publiées aujourd’hui. Pour la deuxième année consécutive, l’Afrique subsaharienne enregistre un taux de croissance inférieur à celui de l’année précédente.
« La croissance dans la région varie d’un pays à l’autre. Certains pays, en particulier ceux de la Communauté d’Afrique de l’Est et les pays riches en ressources non pétrolières, devraient mieux s’en sortir que d’autres, mais certains des pays les plus importants d’AfSS sur le plan économique tirent le taux de croissance moyen de la région vers le bas : c’est le cas de l’Afrique du Sud, où la croissance devrait fortement ralentir pour s’établir à seulement 0,1 % en 2023 », a déclaré Abebe Aemro Selassie, directeur du département Afrique du FMI.
La dette publique et l’inflation sont à des niveaux jamais vus depuis des décennies ; la moitié des pays de la région sont en proie à une inflation supérieure à 10 %, qui réduit le pouvoir d’achat des ménages et frappe de plein fouet les couches les plus fragiles de la population.
Le resserrement rapide de la politique monétaire au niveau mondial a fait augmenter les coûts d’emprunt des pays d’AfSS sur les marchés intérieurs comme sur les marchés internationaux . L’ensemble des pays préémergents d’Afrique subsaharienne sont privés d’accès aux marchés financiers depuis le printemps 2022. L’année dernière, le taux de change effectif du dollar a affiché un niveau jamais atteint en 20 ans, ce qui a eu pour effet de renchérir le remboursement des dettes libellées dans cette monnaie. Au cours de la décennie écoulée, le ratio des paiements d’intérêts sur les recettes publiques a doublé dans le pays moyen d’AfSS.
Cette évolution, conjuguée à la réduction des budgets d’aide au développement et des entrées de capitaux en provenance des partenaires de la région, entraîne une grande pénurie de financement dans la région.
« Les habitants d’Afrique subsaharienne ressentent les effets de la crise de financement. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le coût de la vie a augmenté, l’emprunt est devenu plus onéreux et l’accès à des financements à des conditions abordables s’est restreint », a déclaré M. Selassie.
« Conjugués à la baisse de longue date de l’aide au développement et à la récente diminution des investissements effectués par les partenaires de la région, ces facteurs entraînent la diminution des moyens consacrés aux services de base comme la santé, l’éducation et les infrastructures. Faute de mesures appropriées, cette pénurie de financement entravera les initiatives déployées par les dirigeants de la région pour favoriser l’émergence d’une population instruite et qualifiée et devenir la force motrice de l’économie mondiale dans les années à venir », a-t-il ajouté.
Le FMI joue son rôle et se tient aux côtés de ses pays membres. Entre 2020 et 2022, nous avons mis à la disposition de la région plus de 50 milliards de dollars, sous forme de programmes, de financement d’urgence et d’allocation de droits de tirage spéciaux. En deux ans à peine, le FMI a octroyé plus du double du montant décaissé sur une période de 10 ans depuis les années 90. Le nombre de pays avec lesquels nous avons conclu des accords de prêt était de 21 le mois dernier, et d’autres demandes sont à l’étude.
L’Afrique subsaharienne est loin d’être sans recours. M. Selassie a indiqué quatre pistes prioritaires pour remédier aux déséquilibres macroéconomiques dont souffre la région :
« Premièrement, il importe de renforcer la gestion des finances publiques et de rééquilibrer les budgets, sur fond de durcissement des conditions financières. Pour ce faire, les autorités devront poursuivre l’augmentation des recettes publiques, améliorer la gestion des risques budgétaires et faire preuve de plus de volontarisme dans la gestion de l’endettement. Certains pays nécessitent une restructuration ou un rééchelonnement de leur dette ; à cet égard, il est indispensable de pouvoir disposer d’un cadre efficace de traitement de la dette, afin que ces pays puissent se ménager l’espace budgétaire qui leur fait défaut.
« Deuxièmement, il est nécessaire de juguler l’inflation. Les autorités monétaires devront s’armer de prudence tant que l’inflation n’aura pas emprunté une trajectoire clairement descendante et qu’elle ne se sera pas rapprochée de la fourchette visée par les banques centrales.
« Troisièmement, il convient de laisser les taux de change s’ajuster, tout en atténuant les effets économiques néfastes des dépréciations, comme l’accélération de l’inflation et la hausse de l’endettement.
« Enfin, quatrièmement, il faut veiller à ce que les nécessaires mesures de financement de l’action climatique ne soient pas prises au détriment des besoins élémentaires comme la santé et l’éducation. Le financement de l’action climatique par la communauté internationale doit venir s’ajouter aux montants d’aide actuels. »