Affaire “Frère Hounvi” : Un procès sans identité confirmée à la CRIET

Affaire “Frère Hounvi” : Un procès sans identité confirmée à la CRIET

La Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) s’apprête à rendre son verdict dans une affaire qui pourrait marquer un tournant dans l’histoire judiciaire du Bénin. L’accusation peine à établir formellement l’identité de l’accusé. Steeve Amoussou est-il véritablement le « Frère Hounvi », cet avatar connu pour ses chroniques critiques à l’égard du régime du président Patrice Talon et au cœur de cette procédure judiciaire ?

Répondre sans équivoque à cette question semble être un véritable casse-tête pour le ministère public. Lors de l’audience de ce lundi 7 avril, l’une des pièces à charge serait un numéro appartenant à Steeve Amoussou, et duquel il aurait envoyé un message WhatsApp à un certain Olivier de Montaguère, lui demandait de corriger une faute dans l’une des chroniques attribuées au Frère Hounvi, avant de le balancer sur les réseaux sociaux. Steeve Amoussou reconnaît avoir utilisé ce numéro mais nie être le frère Hounvi.

Deux points issus de l’enquête préliminaire attirent particulièrement l’attention dans cette affaire jugée publiquement. D’une part, Steeve Amoussou aurait reconnu, lors de l’instruction, être le Frère Hounvi. Une déclaration qu’il conteste aujourd’hui à la barre. D’autre part, l’une de ses sœurs aurait déclaré devant un Officier de police judiciaire (OPJ) que l’accusé lui aurait confié, il y a un an, être effectivement ce Frère Hounvi. Ce témoignage est également réfuté par Steeve Amoussou, qui affirme ne pas avoir vu sa sœur depuis deux ans. En l’absence de confrontation directe à la barre sur ce point, la question reste entière.

Ce qui ressort avec constance chez l’accusé — à travers ses propos et son attitude —, c’est qu’il partage, comme bon nombre de Béninois, les idées que véhicule l’avatar Frère Hounvi. Et la question de fond que se posent tous ceux qui suivent de près ou de loin ce procès est la suivante : pourquoi est-il si difficile d’établir un lien formel et clair entre Steeve Amoussou et l’identité numérique du Frère Hounvi ?

Une interrogation d’autant plus légitime lorsque l’on considère les circonstances controversées de son interpellation, opérée manu militari par des individus qui ont par la suite été condamnés pour cet acte… par la même juridiction !

Au final, le procès semble s’être résumé à une série de questions posées à Steeve Amoussou sur ses opinions à propos des idées portées par le chroniqueur Frère Hounvi et sur la possibilité qu’il en soit réellement l’auteur.

Face à l’impossibilité manifeste de produire une preuve irréfutable établissant que Steeve Amoussou est bel et bien Frère Hounvi, les juges lui ont notamment demandé s’il contribuait à l’animation de la page Facebook liée à l’avatar. “Est-ce que, par vos réflexions et productions intellectuelles, vous avez contribué à nourrir l’avatar Frère Hounvi ?”, a demandé le juge lors de l’audience de ce lundi 7 avril 2025. À cette question, l’accusé a répondu que toutes les personnes présentes dans la salle d’audience sont, d’une certaine manière, des contributeurs au procès.

Il a ensuite relevé dans la question du magistrat une confusion entre les notions de “participation” et de “contribution”, ce qui lui a valu un recadrage de la part du président de la cour, qui lui indiqua le message WhatsApp adressé à Olivier de Montaguère.

Ainsi se dessine ce procès pour le moins singulier, marqué par une absence persistante d’identité confirmée de l’accusé. Le dossier est renvoyé au 14 avril pour les réquisitions du ministère public et les plaidoiries. Dans cette zone d’ombre, la Cour optera-t-elle pour une relaxe au bénéfice du doute, ou choisira-t-elle la voie de la condamnation ?

portailinfo

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *