Notion de “Terrorisme” au Bénin : Un expert de l’ONU relève les insuffisances du Code Pénal
Du 18 au 27 novembre, a séjourné au Bénin, Ben Saul, rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste. Au titre de ses observations, il invite le Bénin, à restreindre et à préciser la définition du terrorisme et des infractions terroristes en vertu des articles 161 et suivants du code pénal afin d’assurer que la loi n’inclut que les actes qui constituent véritablement du terrorisme et qu’elle s’aligne sur les normes internationales : “Depuis 2019, des centaines d’arrestations, dont beaucoup semblent arbitraires ou sans notification adéquate des raisons de l’arrestation, ont été effectuées en relation avec des crimes liés au terrorisme”, fait savoir le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste.
Extrait de son constat sur la notion du terrorisme selon le code pénal béninois:
La définition d’un acte de terrorisme dans les articles 161 à 163 du Code pénal reflète en partie les meilleures pratiques internationales. À l’article 161, les éléments d’intention spécifiques, à savoir “dans le but d’intimider gravement la population ou de contraindre indûment les pouvoirs publiques » sont tirés de la directive antiterroriste 2017 de l’Union européenne, et ces éléments, à leur tour, sont tirés de la Convention sur le financement du terrorisme de 1999 et de la résolution 1566 (2004) du Conseil de sécurité. Les exigences d’intimidation « grave » ou de contrainte « indue », tirées du droit de l’UE, élèvent le seuil des actes terroristes et garantissent ainsi que le terrorisme est limité aux cas les plus graves. L’exigence contextuelle cumulative selon laquelle l’acte « peut porter atteinte à l’État » est également reflétée dans le droit de l’UE et limite davantage le champ d’application des infractions, bien que cet élément soit ambigu et puisse rendre l’application de la loi incertaine.
En outre, cet élément exige seulement que l’acte « puisse » nuire gravement à l’État, alors qu’il serait préférable d’exiger que l’acte cause effectivement un tel préjudice. Le problème le plus important de la définition est qu’elle fournit trois éléments d’intention spécifiques supplémentaires et alternatifs : « pervertir les valeurs fondamentales de la société et déstabiliser les structures et/ou institutions constitutionnelles, politiques, économiques ou sociales de la Nation, de porter atteinte aux intérêts d’autres pays ou à une organisation internationale ».
Chacun de ces éléments va au-delà des normes internationales en matière de bonnes pratiques, car leurs termes sont vagues et trop larges, ce qui est contraire au principe de légalité énoncé à l’article 15 du PIDCP, qui exige que les infractions soient définies avec suffisamment de clarté et de spécificité pour que les individus puissent connaître à l’avance l’étendue de leur responsabilité. Les références vagues aux valeurs fondamentales de la société, aux structures nationales et aux intérêts des États étrangers risquent également de criminaliser l’exercice légitime des libertés civiles et politiques.
L’élément « déstabiliser les structures » est basé sur un élément très critiqué de la directive européenne susmentionnée (voir OTH 133/2024). L’abrogation de ces éléments contribuerait également à rendre la définition du Code pénal plus cohérente avec la définition de l’acte terroriste figurant à l’article 2 de la loi n° 2024-01 récemment adoptée par le Bénin sur le financement du terrorisme, qui s’inspire étroitement de la Convention sur le financement du terrorisme de 1999.