Cour africaine des droits de l’homme : L’Onu encourage le Bénin à reconsidérer son retrait

Cour africaine des droits de l’homme : L’Onu encourage le Bénin à reconsidérer son retrait

Le Bénin est partie aux principaux instruments régionaux relatifs aux droits humains, notamment la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et son Protocole portant création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Cependant, en avril 2020, le Bénin a retiré sa déclaration faite au titre de l’article 34(6) de ce protocole, empêchant ainsi les organisations non gouvernementales et les individus de soumettre des plaintes à la Cour. Ben Saul, rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, « encourage le Bénin à reconsidérer son retrait », au terme de sa mission qui s’est déroulée du 18 au 27 novembre au Bénin.

Amnesty International

La Cour africaine est l’organe judiciaire de l’Union Africaine pour la protection des droits humains par ses États membres. Elle a été créée en 1998 par le protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples. Le Bénin avait ratifié le protocole en 2014 et déposé la déclaration faite en vertu de son article 34-6 qui permet l’accès direct des individus et ONGs à la Cour en 2016.

A ce jour, la Cour a jugé cinq affaires portées contre le Benin et s’est notamment prononcée sur le droit des victimes des violences policières de 2019 d’obtenir justice, la nécessité de renforcer l’indépendance des tribunaux et celle de protéger le droit de grève des personnes travaillant au Bénin, parmi d’autres questions.

Cependant en mars 2020, le gouvernement béninois a informé l’Union Africaine qu’il retirait sa déclaration faite en vertu de l’article 34-6. Amnesty International avait dénoncé le recul dangereux pour la protection des droits humains que constituait ce retrait.

La Cour constitutionnelle du Bénin a validé le retrait de la déclaration par une décision du 21 janvier de cette année. Le Bénin est le troisième pays à retirer sa déclaration après le Rwanda et la Tanzanie, respectivement en 2016 et 2019. Depuis, la Cote d’Ivoire a également retiré sa déclaration en avril 2020.

Extrait sur les motifs avancés par le Bénin, selon le ministre de la justice Sévérin Quenum:

« …Depuis plusieurs années déjà, certaines décisions rendues par la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ont suscité de très vives préoccupations en raison de graves incongruités au point de conduire la Tanzanie, pays hôte, et le Rwanda, à se désengager en matière de recours individuels et des ONG.

C’est justement la réitération et la récurrence de ces dérapages qu’il n’est pas possible de sanctionner et que la Cour elle-même ne donne pas l’air de vouloir corriger en dépit des remous qu’ils provoquent en son propre sein  qui ont amené notre pays à initier dans le courant du mois de mars dernier son désengagement de la compétence individuelle, objet d’une double notification dès le 16 mars 2020  au Président en exercice de l’Union Africaine et au Président de la Commission de l’Union en tant que dépositaire des instruments juridiques.

Pour en revenir aux décisions curieuses, en ce qui concerne notre pays, le rubicond a été franchi à l’occasion d’un contentieux opposant depuis quelques mois, au Bénin, la Société Générale Bénin (SGB) SA, à une société dénommée Société d’Hôtellerie, de Restauration et de Loisirs (SHRL) dont les promoteurs sont des ressortissants d’origine libanaise au sujet du remboursement d’un important crédit avoisinant quinze milliards (15.000.000.000) de nos francs.

Lasse des promesses vaines et après plusieurs reports d’échéances infructueux, la Banque créancière n’a eu d’autre choix que d’engager le recouvrement forcé de sa créance en procédant à la saisie de l’immeuble donné en hypothèque par la société débitrice conformément aux dispositions de l’OHADA seules applicables en la matière.

La procédure a été initiée devant le Tribunal de commerce de Cotonou et a abouti à l’adjudication de l’immeuble saisi au profit de la SGB SA en l’absence d’enchérisseurs, suivant un jugement contradictoire en date du 30 janvier 2020.

Aussitôt, la SHRL SA a relevé appel de cette décision et même formé pourvoi en cassation plus tard contre la décision d’adjudication devant la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA basée à Abidjan.

Mais bien qu’ayant exercé ces recours dont le dernier n’a toujours pas encore été vidé et comme cela est devenu presque de mode, cette société a parallèlement saisi la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples le 14 février 2020 d’un recours en présentant dans la même procédure une demande de mesures provisoires tendant au sursis à l’exécution du jugement d’adjudication.

La Cour africaine, omettant d’en aviser la Société Générale Bénin, a notifié le recours le 18 février 2020 à l’Etat béninois qui n’était pas partie à la procédure, en lui impartissant un délai de huit (08) jours pour répondre à la demande de sursis à exécution.

Le 28 février 2020, soit exactement quatorze (14) jours après sa saisine, elle rendait une ordonnance de mesures provisoires suspendant l’exécution de la décision d’adjudication de l’immeuble.

Cette décision a bien évidemment provoqué un désarroi dans les milieux d’affaires et celui des banques prêteuses en particulier dont le représentant n’a pas manqué d’exprimer au Gouvernement son vif émoi face à cette intrusion aussi incongrue, inopportune, qu’impertinente dans le domaine des relations commerciales entre particuliers.

C’est dire qu’en cette affaire, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples était radicalement incompétente et n’avait même pas pouvoir d’ordonner des mesures provisoires.

On ne rappellera jamais assez qu’en cette matière, la juridiction de dernier recours est et demeure la Cour commune de justice et d’arbitrage basée à Abidjan. Ce que le Président de la Cour Africaine des droits de l’homme et des peuples ne pouvait ignorer en sa qualité de ressortissant d’un Etat-membre de l’OHADA.

En faisant du droit comparé, la Cour européenne des droits de l’homme par exemple rejette systématiquement les demandes de mesures provisoires tendant à empêcher la démolition imminente d’un bien, une faillite imminente ou même la dissolution d’un parti politique.

La Cour africaine, non contente de s’aventurer sur un domaine qui n’est pas le sien, a fondé en l’espèce sa décision de sursis sur une méprise grossière du régime du titre foncier en République du Bénin.

Dans ce dossier, le mal juger est si manifeste qu’il prêterait à sourire s’il n’en résultait pas une grave remise en cause des fondements même du droit OHADA dont les dispositions se trouvent dorénavant conjointement justiciables et de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA et de la Cour Africaine des droits de l’Homme et des peuples au mépris des mandats distincts donnés à chacune de ces juridictions par les Etats-membres.

De toute évidence, les égarements de la Cour africaine sont devenus source d’une véritable insécurité juridique et judiciaire à laquelle il est de la responsabilité des gouvernants de porter remède.

Ce sont ces considérations qui ont donc amené le Gouvernement de la République du Bénin à prendre la décision de désengagement pour ce qui concerne la compétence de la Cour relativement aux requêtes individuelles et des ONG.

Il est bien entendu que le Bénin demeure partie au protocole portant création de la CADHP et qu’à ce titre, il reste justiciable de cette juridiction dans les conditions fixées par les dispositions de l’article 5 dudit protocole… »

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