Bénin/Cour constitutionnelle : Opération rachat ou début d’une nouvelle manœuvre ?
Saisie d’un recours à propos des parrainages pour la présidentielle de 2026, la Cour constitutionnelle a rendu le 4 janvier 2024 la décision DCC 24-001 par laquelle elle demande au Parlement de modifier le Code électoral. En réalité, le recours a été jugé irrecevable car, fait savoir la Cour, cela portait sur la régulation des institutions alors qu’elle ne reçoit un recours dans ce sens que s’il émane d’un membre d’institution. Ce que n’est pas le requérant. Toutefois, la Cour, fort de l’article 121 de la Constitution qui lui en confère la prérogative en matière de contrôle de constitutionnalité des lois, a choisi de se prononcer d’office.
En somme…
La haute juridiction estime que les parlementaires de la législature en cours sont ceux qui parraineront des candidatures à la présidentielle de 2026 et non ceux qui seront élus aux législatives de janvier 2026 comme le réclamait le requérant. Le mandat des députés en fonction expire à l’installation de la nouvelle législature. Or la nouvelle n’aura pas encore été installée à la clôture du dépôt des dossiers de candidature pour la présidentielle.
Les 28 députés actuels de l’opposition peuvent donc être tranquilles, enfin… autant qu’on peut l’être sous ce régime.
La Cour confirme en revanche qu’il y a un problème quant au parrainage des présidentiables par les maires en 2026 et en appelle à la modification du Code électoral. La raison en est, admet la haute juridiction, qu’au dernier jour du dépôt des candidatures pour la présidentielle de 2026, certains maires nouvellement élus auront déjà été installés, d’autres non. Mon avis personnel est qu’il ne devrait pas y avoir de souci. Étant entendu, aux termes de la loi, que le mandat du maire court toujours tant que son successeur n’est pas installé, c’est le maire en fonction au moment du dépôt des candidatures qui devrait avoir voix au chapitre. Mais il est vrai que, comme le relève la Cour, le Code électoral ne définit pas de délai, outre celui qu’induit la clôture du dépôt des candidatures, pour l’obtention du parrainage. Ce qui pourrait laisser libre cours à certaines manœuvres de la part de l’autorité de tutelle des maires. Il se verrait implicitement décider quels maires seraient parrains, en installant certains à temps et pas d’autres. Donc, va pour la correction ou la clarification à ce niveau. Elle est nécessaire, au total.
Je me souviens de m’être retrouvé, au lendemain des législatives de janvier 2023, dans un creuset où les préoccupations ci-dessus, et pas uniquement celles-là, avaient été évoquées et vidées. Nous avions relevé ces insuffisances du Code électoral ainsi que beaucoup d’autres. C’est un document émaillé de confusions et de contradictions, comme tous les textes personnels ou établis sur des objectifs inavouables. Un exemple de contradictions, qui porte même atteinte à la Constitution : l’article 109 du code électoral dit qu’en cas d’annulation de l’élection du président de la République, il est procédé à l’organisation d’un nouveau scrutin dans les quatorze jours suivant la décision. C’est bien ce que prévoit l’article 49 de la Constitution. Sauf que dans le même code électoral, à l’article 142, on lit concernant toujours la même élection qu’en cas d’annulation, un nouveau tour de scrutin a lieu dans les cinq jours suivant la décision. La grosse dissonance n’a pas échappé à la Cour à l’occasion de cet épisode d’autosaisine d’office. Sa petite leçon aux parlementaires, en passant, est délicieuse : << il incombe au législateur d’exercer pleinement sa compétence en adoptant des lois claires, intelligibles et accessibles afin de prémunir, conformément au préambule de la Constitution, les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou le risque d’injustice ou d’arbitraire >>. Y a-t-il besoin de rappeler que c’est la législature monocolore (2019-2023) issue d’élections exclusives et meurtrières qui a fabriqué ledit code, après avoir bidouillé notre loi fondamentale, et que la Cour constitutionnelle sous la présidence de Joseph Djogbenou inventeur du fameux certificat de conformité l’avait déclaré conforme à la Constitution ? Qu’à cela ne tienne, semble anticiper la Cour dans la DCC 24-001 : << l’autorité de la chose jugée attachée aux décisions de la Cour, en application de l’article 124, alinéa 2, de la Constitution, ne s’oppose pas à un examen a posteriori de la loi ayant précédemment fait l’objet d’un contrôle a priori, si celui-ci a laissé subsister une atteinte sérieuse à un droit garanti par la Constitution >>.
Et quand l’atteinte sérieuse à un droit garanti a été sciemment instaurée via le tripatouillage de la Constitution ? On la rectifie, répondront président-dieu et ses adorateurs. Qui doivent la rectifier? Tout le monde sauf eux, délégitimés pour avoir orchestré le tripatouillage aux fins de leurs affaires.